L’attitude tolérante, René Xavier Naegert

L’attitude tolérante ne suscite pas tout de suite et obligatoirement la sympathie dans les structures religieuses, politiques, ou chez certains particuliers, anxieux ou bétonnés.
La tolérance peut être soupçonnée de mollesse, de tiédeur. Elle prospérerait surtout sur les terrains de manque de conviction, de faiblesse et aurait la vertu de l’édredon qui amortit le choc. Elle serait comme une anesthésie de la conscience, comme une forme d’éteignoir. « Il y a des maisons pour cela », disait le si grand et pourtant si intolérant Paul Claudel...
En vérité, être tolérant, c’est découvrir tout au long de l’existence, de choix en choix, dans les situations quotidiennes, avec une volonté tendue vers le respect, que le chemin de la tolérance est un chemin difficile pour ne pas succomber à la facilité. Être tolérant, c’est se connaître soi-même, être tolérant avec soi-même, avec ses blessures, ses richesses, et s’ouvrir alors aux autres dans leurs différences, accepter d’être transformés par eux, tout en restant fidèle à soi-même. Être tolérant, c’est accepter d’être accepté par les autres, pour pouvoir les recevoir avec leurs richesses, leurs pauvretés, leurs soleils et leurs ombres, et la différence de leurs couleurs.
Disponibilité, attente, désir, choix, ouverture, dépouillement - le dirais-je ? Amour - autant de mots qui disent la condition forte, riche et pauvre, exigeante et silencieuse de la tolérance. La vérité de chacun est insaisissable, elle lui appartient et il ne sait pas la dire. En théorie, la tolérance est facile lorsqu’on parle de dignité et de tolérance dans les pays lointains, et loin des frontières. Elle est une exigence difficile dans les rencontres quotidiennes. « Le fossé le plus proche est le plus difficile à franchir », dira Friedrich Nietzsche.
RENÉ-XAVIER NAEGERT, DIT LE « POPE »
(1925-2015) aumônier de l’École normale de Strasbourg